Edito #16 – Pas n’importe quels prix

Ça va mal. Les temps sont durs. L’heure est grave.

 

Ça n’a d’ailleurs pas beaucoup de mérite à aller mal, de tous temps les temps ont été durs, de toutes heures les heures ont été graves. Mais tout de même, là on a le nez dedans, ça pique.

 

S’il est une chose pourtant qui nous sauve du désespoir final, parlons-en puisqu’on est entre nous, s’il est un élément magique et mystérieux qui amène encore un peu de surprise dans notre quotidien morose et pollué, c’est bien la littérature.

 

Si, si, ne faites pas l’innocent, ne faite pas l’ingénue. Vous aussi vous le pensez. Vous êtes persuadé que la littérature en général et la poésie en particulier est sur cette bonne vieille terre un des rares trucs qui valent la peine de, même si on ne sait pas très bien la peine de quoi. Sinon vous ne seriez pas en train de lire ceci, ne le niez pas. Vous savez que la littérature n’empêchera pas la fonte des glaces, que vous continuerez à vous nourrir de steaks reconstitués et de gaz lacrymogènes, à uriner des lames de rasoir, mais c’est un fait, vous le sentez dans votre chair : grâce à votre pratique assidue de cette activité complexe qu’on appelle la lecture, la fonte des glaces, la viande reconstituée, les lacrymos et les lames de rasoir sont moins dures à supporter.

 

Cependant, vous savez aussi que tout ça ne tombe pas du ciel. Que la littérature en général et la poésie en particulier, ce sont d’abord des hommes et des femmes, et des intersexes et des non-déterminés, qui se lèvent tôt le matin/se couchent à pas d’heure, bien décidés à en chier des bulles carrées pour qu’existe cette chose inutile et vitale, transmise de bouche à oreille et de caractère cunéiforme à liseuse plasma depuis les Sumériens.

 

Et pour pas un rond.

 

Et pour un espoir de compensations sexuelles presque nul.

 

Aussi, afin que soient reconnus les efforts de celles et de ceux qui par leur pratique quotidienne font que le monde existe et qu’il a raison d’exister, REALPOETIK a décidé de mettre en place un programme de prix littéraires innovants pour tous.

 

Mais pas n’importe quels prix. Car bien souvent comme un de nos tôliers le développera un peu plus bas voir plus loin, les remises de prix excitent les pires travers de chacun de nous, les plus sombres noirceurs de l’âme et tout ça. Car dès qu’il s’agit de distinguer tel ou tel écriveur de choses, c’est le nerf de la compétition qui est touché, un nerf placé, comme les urologues le savent, dangereusement près des nerfs de l’aigreur, de la frustration, du sale petit besoin de domination macroniste.

 

Nos prix, au contraire, sont équitables. Bio, en circuit court, sans trace de gluten et de fruits à coque. Et surtout, surtout, garantis égalitaires. Adaptés aux besoins contemporains, ils sont en outre imprimables à la maison, lisibles sur tablette, téléchargeables légalement, on peut en faire profiter ses amis, tout bien.

 

Pour commencer la moisson sur des chapeaux de roues, ce REAL#16 décernera donc :

 

DANS LA CATÉGORIE REALPOESI :

 

Le prix « poème court avec des maillots de base-ball dans REAL#16 » à Guillaume Decourt pour son texte « Haute couture » ;

 

Le prix du meilleur poème sur les militaires qui patrouillent dans les gares du Rhône à Fabien Drouet pour son texte « Que fais-tu dans ma gare déguisé en forêt à venir frôler mon fils avec le canon de ton fusil froid ? » ;

 

DANS LA CATÉGORIE REPRODUCTION :

 

Le prix de la meilleure poésie américaine contemporaine traduite par Sammy Sapin, à Jeannine Hall Gailey pour ses textes « Je ne suis pas née », « Danger : risque d’étouffement » et « Lettre à John Cusack » ;

 

DANS LA CATÉGORIE MASSE CRITIQUE :

 

Le prix de la meilleure critique sur le dernier livre de Christophe Hanna avec des équations et des vraies questions de philosophie politique et agroalimentaire, à Sammy Sapin pour son texte « Du fric et des knackis ».

 

Le prix du meilleur texte sur les prix littéraires écrit un 23 février sur une table en formica noir, en tête-à-tête avec un sachet de pain de mie de marque Monoprix, à Grégoire Damon pour son texte « Rouler des pelles ».

 

Il va sans dire que ces prix sont simultanément remis, en plus des auteurs et autrice cités plus haut, à l’ensemble de la biosphère terrestre.

 

Les tôliers.

 

PS : nous tenons à certifier qu’aucun tôlier n’a été martyrisé avec Photoshop pendant le tournage de ce numéro.

Les tôliers.