Édito #8 : PUYG VOUS PARLE

 

C’est moi, Puyg. 

C’est moi qui cause.

C’est moi qui fais l’édito de ce realpoetik #8. 

Parce que Sapin et Damon m’ont demandé. 

 

Ils me demandent

régulièrement des textes, Damon et Sapin.

J’en ai écrit un dans le numéro d’avant : PUYG – LA COMPAGNIE.

Lisez-le. C’est un très bon texte.

 

J’écris des textes qui les font marrer, Damon, Sapin.

J’écris jamais ce qu’ils veulent,

ce qu’ils avaient imaginé, mais ça les fait marrer.

Ils me disent t’es génial Puyg,

ils me passent la brosse à reluire,

ils m’oignent d’encens,

à la fin je sens bon et je suis brillant,

ils me disent ensuite tu pourrais nous faire un édito,

tu pourrais faire le prochain édito ce serait marrant.

MAIS (ils ajoutent) c’est pas comme pour un de tes textes c’est différent

là tu représentes la revue.

 

(Intérieurement je rigole,

je me dis : ils vont voir

ce qu’ils vont voir ;

je représente rien du tout moi

je suis Puyg

je représente que Puyg

c’est-à-dire moi-même.)

 

Alors les revues.

Parlons-en un peu des revues.

Puisque c’est un édito de revue.

De quoi parler d’autre ?

Alors les revues. Mais qui

lit ça de nos jours ?

Sinon des gens qui publient eux-mêmes dans des revues

qui se publient eux-mêmes dans leur propre revue

– comme Sapin et Damon –

ou qui ont l’espoir

d’être publiés bientôt

dans des revues ?

 

Moi-même, si j’écris,

c’est pour faire plaisir à Damon et Sapin déjà,

et puis surtout pour m’exprimer,

mais dans le fond je vois bien que tout ça est vain

que tout ça c’est vanité,

puis quand on a l’âge de Damon ou de Sapin,

c’est trop tôt pour écrire,

c’est trop tôt pour s’exprimer,

on n’a pas encore perdu sa mère,

on a rien à dire.

 

Enfin.

Après tout une revue de poésie, pourquoi pas,

mais au moins une revue qui soit en papier :

qu’il y ait

quelque chose qui reste, quelque chose de matériel,

car comment croyez-vous que ça marche l’internet ?

L’internet ce sont des câbles,

des millions de tuyaux enterrés sous la terre sous la mer,

de la plomberie, une plomberie

fragile comme toutes les plomberies,

un jour les câbles rompront.

Et pour un site : il y a un hébergeur.

L’hébergeur héberge vos données et la forme de vos données.

Cela pour vous dire, les amis :

realpoetik c’est fini

dès le jour où vous arrêterez de raquer

pour un hébergeur : c’est fini.

 

Je ne dis pas que c’est pour bientôt.

Je ne veux pas être un piaf

de mauvais augure :

mais le jour où c’est fini, c’est fini :

plus rien, pas de traces, tout sera effacé

comme un mauvais dessin d’enfant idiot

sur du sable ; pas de traces,  pas d’exemplaire caché

dans la bibliothèque d’un connaisseur

et qu’on retrouve

vingt ans plus tard : que dalle.

 

Aussi les gars : une revue,

vous avez l’air de penser

qu’une revue ça aide à respirer, 

alors que c’est faux. Ce ne sont pas les revues qui aident à respirer :

mais les poumons. Jusqu’à preuve du contraire.

En plus de ça les gars, si votre but est juste

d’éviter l’asphyxie, de survivre aux journées, l’une après l’autre, c’est que vous manquez d’ambition :

où est passé l’idée qu’on allait

changer la vie, le monde, tout casser ? où sont passés

les muscles de la jeunesse, les hormones, la haine du passé ?

C’est pourtant le moment.

C’est le moment pour vous, à votre âge,

de faire semblant de ne pas voir

que le combat est perdu à l’avance

qu’on ne vainc pas l’asphyxie du cerveau ni celle

du sang,

c’est le moment (trente ans !) de ne pas voir

que votre corps aussi va se dégrader,

qu’on est foutus,

qu’on dégénère,

qu’on est des tumeurs sur pattes,

(comme ma mère à la fin),

qu’on est des tumeurs pareilles

à des patates germées,

que des bras, des jambes, des appendices tumoraux

vont nous pousser de partout,

dont on ne pourra pas se servir comme bras ou jambes ou appendices,

car ce ne seront que des masses grises et dures

– dégageant une odeur de peste

– qui à la fin vont nous tuer.

 

Voilà les gars.

Voilà l’avenir

des hommes et de la poésie.

Voilà les gars : à notre santé !

À la santé de Puyg, et à la vôtre, et merci !

Merci pour l’édito,

merci Damon, merci Sapin de me donner

cette occasion de m’exprimer,

j’en ai besoin.

 

Et merci à ma mère,

cette femme sainte,

sans qui rien

ne me serait

jamais arrivé.

 

 

Emile Puyg pour realpoetik 

 

 

 

 

 


 

 

 

Notice explicative: 

On a expressément commandé à Émile Puyg un édito pour le numéro 8.

Bon. 

Ça nous apprendra.

On se doutait bien qu’il allait parler de sa mère. 

Mais pas qu’il remettrait en cause, dans un édito de revue, l’existence même de la revue. 

On ne manquera pas, au prochain édito, de répondre à Puyg sur les points qu’il soulève, notamment sur la question de l’intérêt des revues, de l’autopublication, et aussi sur cette histoire d’être trop jeunes pour écrire quand on n’a pas encore perdu sa mère.

 

Mais puisque Puyg a fait le boulot à moitié, on se doit d’ajouter que REALPOETIK #8, c’est une chose avec à l’intérieur :

Pour la Realpoesi, Pierre Desagre à l’usine et Thierry Roquet qui se fout du Golfe ;

Pour la Reproduction, Hugo Clarence Janody qui prouve qu’on a le transsibérien qu’on mérite ;

Pour la Masse Critique, Florent Toniello qui capitalise sur la poésie et Sammy Sapin qui se tape le métaboulot.

 

A part ça, on vous la souhaite bien bonne.

 

Les Tôliers.