Rim Battal – L’Eau du bain (extrait)

Texte extrait de L’Eau du bain, paru en décembre 2019 chez Supernova éditions que nous remercions chaleureusement. 

 

Le placenta ressemble a une galette marron. C’est lui qui me l’a dit ; je ne l’ai pas vu : on me recousait comme un coussin. Une épaisse galette marron. Je croyais que ça ressemblait à un sac en toile. Un tote bag de muqueuses, de sang et de chairs. Il a demandé à le voir au moment de l’accouchement, il a dit : “ah ouais, c’est ça ? C’est dégueu”.

Quelque chose de mon intérieur est dégueu ; que j’ai fabriqué à l’intérieur, au centre même de mon vagin. Je pense à ce titre “Sa femme accouche, il s’enfuit avec le placenta” paru dans Ouest-France. Ce fait divers a été décrété sordide par ce même journal. Et le il a été arrêté par la police puis relaxé.

Le placenta est un organe éphémère. Éphémère mais organe. Il se forme sur la paroi de l’utérus et relie les circulations sanguines de la mère et du fœtus. À partir du moment où il est expulsé, il appartient à l’État qui le détruit ou l’étudie, selon son bon loisir. Il est généralement incinéré à titre de déchet opératoire.

Un organe m’appartenant a été incinéré à titre de déchet opératoire. M’appartient-il ? Appartient-il à mon enfant ? Appartient-il à l’État ?

Je viens de regarder des photographies de placenta sur Google. Et cela ressemble à une usine.

En même temps, placenta signifie galette en latin.

Après vérification, le placenta est fabriqué par le fœtus. Il appartient au fœtus.