Katia Bouchoueva – Gazelle

Elles descendaient l’avion, descendaient l’avion :

10, 20, 30 ballerines et gymnastes des pays de l’Est

essentiellement et d’autres pays aussi – un bataillon ;

1000 en arrivant au sol, 10 000 dans la zone VIP.

Où sont les toilettes ? Faire pipi,

mouiller un peu les jambes, les recharger, nettoyer les fusils.

Salut les filles !

Tu t’es trompé, tu dis, c’est une erreur, tu dis.

 

Le chauffeur est venu :

« Mais alors, mais dis-donc,

Où trouvera-t-on tant de charrettes et de gardiens

pour transporter ce harem,

pour vous toutes pour vous toutes. »

 

« Chauffeur, mon petit, tourne la tête, suis ta route

Et oublie-nous, chéri, bébé, lapin, couillon. »

 

Aeroflot vérifie la liste des passagers enregistrés,

Air France vérifie la liste des passagers enregistrés,

la compagnie Emirates vérifie la liste des passagères enregistrées,

le Diable vérifie ses cornes et sa queue,

son œil vérifie le Dieu.

 

Heureux encore qu’on ait affaire à des femmes.

Pas sûr : 200 000 déjà, et ce n’est pas fini :

le goudron s’enflamme

et plus aucun avion.

Tout est dans la bouche, les douces bouches :

la chantilly des ailes blanches et les beignets des roues.

Les femmes aiment le sucre – c’est connu.

 

Quels jeux Olympiques passionnants,

quel Ballet nous attendent !

Tu dors la Terre fatiguée.

Dors, les déserts, les forêts, tout s’offre,

s’oublie, se perd – confiant et lourd,

mais s’envoleront demain légers

les palais et les tours.

 

À Abou Dhabi, à Abou Dhabi

la bête ronfle, grosse, noire, luisante,

la gazelle sourit,

pousse l’air chaud avec ses lèvres cuirassées,

fait un essai,

en souriant –

envahit.