Mike Kasprzak – Il pleut sur ma tronche

Il pleut sur ma tronche

et je passe 20 heures par jour

dans une piaule dénuée de vie

et les insectes salauds m’ont déjà ravagé le cœur

ma raison s’est fait la malle

comme si la merde me sortait

par les oreilles

 

il pleut sur ma tronche

et je ne sais pas travailler

je sais à peine aimer

mes journées sont blindées d’ennui

et de solitude

les femmes sont si délicieuses

mais si rares

 

il pleut sur ma tronche

et mes droits d’auteur me payent

juste assez de pisse

pour me ronger le foie

doucement

pour me laisser vivoter

pour me laisser mourir

 

il pleut sur ma tronche

et tous les mendiants de la ville me connaissent

et j’ai déjà saigné sur le trottoir

seul sous la nuit

seul sous cette lune

inaccessible

 

il pleut sur ma tronche

et je pense à tous ces enfoirés

qui me snobent et baisent

les plus belles salopes

et leurs écharpes en soie

et leurs mocassins dorés

 

il pleut sur ma tronche

et je pense à tous les amours

que j’ai laissés mourir

par manque de courage

par faiblesse

par manque de joie et

de tendresse

 

il pleut sur ma tronche

et le soleil revient tous les matins

et n’a aucune pitié

assassinant tout espoir

assassinant mes rêves

et se moquant de mes gueules

défoncées

 

il pleut sur ma tronche

et je tente malgré tout de briller

comme une bombe qui hurle avant de ravager le monde

comme un enfant mort à la guerre

comme une nuée de cadavres tombés du ciel

comme un séisme

 

il pleut sur ma tronche

et je chante toujours seul

et je bois la pluie

comme les larmes d’une vierge

coulant dans la bouche

comme du sucre

et du miel

 

il pleut sur ma tronche

et il n’y a rien d’autre à faire

que de se foutre à poil

et gueuler sur le monde

faire un clin d’œil au désespoir

et jouir sous la pluie

 

il pleut sur ma tronche

et les murs ne contiennent que du vide

et j’ai piétiné tout ce qui faisait ta beauté

et des loups affamés meurent dans le ciel

en chantant un Notre Père

et tout s’éteint à chaque seconde

 

il pleut sur ma tronche

et il faut tant de courage

pour oser vivre

et le froid de l’hiver n’a jamais valu

une bonne pipe

et des types bossent

huit heures par jour

avec le sourire

 

il pleut sur ma tronche

et je remplis un cahier entier

d’âneries inutiles

et le sang de la terre est une bite tranchée

qui demande pardon

et j’aimerais m’excuser parfois

à tout le monde

mais ne le fais jamais

 

il pleut sur ma tronche

et je n’ai pas souri depuis 10 ans

et la passion est un nénuphar noyé et dévoré

et je suis fatigué

dix heures par jour

et chaque minute pèse plusieurs tonnes

 

il pleut sur ma tronche

et le bonheur n’a aucune importance

et seule compte la guerre

et la défaite importe peu

 

il pleut sur ma tronche

et je pense à des oiseaux morts

à des jours sans alcool

à des semaines sans ivresse

je pense à des vies entières

sans femme ni passion

sans gloire ni lumière

je pense à l’enfermement de l’esprit

au pourrissement du corps

à la folie usée

je ne pense à rien

 

il pleut sur ma tronche

il pleut

des femmes seules et désespérées

il pleut

des cris d’orgasmes féminins

en pleine nuit

au milieu des toits

il pleut

des érections solitaires et misérables

il pleut

 

il pleut sur ma tronche

et des pigeons cons et malheureux

se réfugient sous des gouttières

et rien n’a d’importance

 

il pleut

 

il pleut sur ma tronche

il pleut des envies soumises

et des désirs éteints

il pleut

 

il pleut

et j’espère que

demain

se lèvera

un soleil nouveau

il pleut

des soleils

et des joies éternelles.

Il pleut

et je garde le sourire

malgré tout

 

il pleut.